Du Ntem au Wouri en passant la Sanaga, le Nyong et la Kadei entres autres, Cameroun possède un dense réseau de rivière pérennes. Le pays le pays est en effet doté de 5 grands bassins et 3 grands réservoirs souterrains scientifiques faisant de lui le deuxième plus grand scandale hydrologique en Afrique après la RDC. Une ressource vitale et abondante dont ne jouissent pourtant pas les populations. D’après l’Institut national de la statistique(INS), le taux moyen d’accès de la population du Cameroun à l’eau potable est de 77% en milieu urbain et 45% en milieu rural. Dans les deux cas, les populations ont surtout besoin de parcourir des chemins longs et périlleux pour s’approvisionner auprès des cours d’eau et marigots s’exposant ainsi à plusieurs risques.

Selon le ministère camerounais de la Santé publique(Minsanté), le déficit d’eau potable a été, en 2020, à l’origine de 256 cas d’hospitalisation et de 14 décès enregistrés dans les formations sanitaires en 2020. Les enfants de moins de 5 ans représentant 65,23% des cas d’hospitalisation.

Privatisation néfaste

Selon une étude réalisée par Global Water Partnership, les besoins en eau du Cameroun ne représentaient que 4,14% des ressources en eau disponibles du pays. Mais encore faut-il accéder à une source sûre d’eau potable et les installations sanitaires de base. Les pans exploités jusqu’ici sont l’apanage des sociétés et autres multinationales qui s’en accaparent pour par la suite les revendre aux populations. Au Cameroun, le coût moyen du litre d’eau minéral est de 400F CFA, alors que près de 40% de la population vit avec 931 FCFA (1,44 dollars US) par jour, selon l’INS. L’équation devient donc difficile à résoudre et la récurrence des décès pour cause de maladie hydrique sont légion. Le taux de mortalité attribuable à l’insalubrité de l’eau, aux déficiences du système d’assainissement et au manque d’hygiène est quant à lui estimé à 45,2 décès pour 100 000 habitants.

À la réalité l’eau devrait être traitée comme un bien social et culturel, et non pas principalement comme un bien économique. D’où le combat permanent de certaines ONG à l’échelle nationale et même continentale pour protester contre cette logique qui profite aux multinationales et pas aux populations. C’est le cas par exemple de la coalition la coalition Our Water Our Rigth Africa(OWORAC) qui regroupe en son sein des militants de la société civile, des syndicats africains. Pour eux, le marchandage de l’eau dans le pays comme est le plus grand obstacle à l’accès de cette denrée. En octobre dernier elle effectuait une marche pacifique pour s’opposer à la privatisation de l’eau dans le pays. « L’eau est un bien public et ne devrait être géré ou contrôlé par une entité privée…notre gouvernement doit nous protéger de la pression de la Banque mondiale, qui souffle des vents forts en faveur des profits, et non du bien être des personnes. Protégeons le Cameroun et garantissons son avenir avec optimisme en investissant dans l’eau publique » déclarait alors Younoussa Abbosouka, responsable du Centre Africain de Plaidoyer, membre de la plateforme.

Ce plaidoyer a été réitéré à l’occasion de la célébration de la journée mondiale de l’eau en mars dernier. Au-delà de la dénonciation, ces ONG appellent les gouvernements et les représentants publics à cesser d’utiliser le modèle néolibéral de recouvrement intégral des coûts pour les services d’eau et à rompre les liens avec les entreprises qui cherchent à tirer des bénéfices de l’eau et à placer l’eau sous des systèmes et des institutions démocratiques. « Nous rejetons toutes les formes de contrôle de l’eau par les entreprises et de privatisation des services d’eau, y compris par le biais de soi-disant partenariats public-privé. La privatisation enrichit certains responsables gouvernementaux et multinationales et contribue en même temps à propager la pauvreté au sein de la majorité de la population » s’est exprimé Ewoukem du Syndicat National Autonome des Travailleurs de l’Energie, de l’Eau et des Mines du Cameroun.

Pour rappel, la Coalition Our Water Our Right Africa (OWORAC) est composée d’activistes du Cameroun, du Gabon, du Ghana, du Kenya, du Mozambique, du Nigéria, du Sénégal et de l’Ouganda, travaillant en collaboration pour repousser cette nouvelle forme de colonialisme.